Apollon, tenture des Grands Dieux, Berain, Vernansal, Bacor

Historique :
- Tissée dans l'atelier de Gilles Bacor entre 1704-1714
- Don de Philippe V d'Espagne à Jean-Florent, Marquis de Vallières (?)
- Collection de Robert de Rothschild au château de Laversine (?)
- Achat par le Mobilier National à l'Hôtel Drouot (Etude M. Ader) le 09/06/1943.
- Installée dans le salon d'attente de Charles de Gaulle à Trianon-sous-Bois (in situ)


Cette tapisserie fait partie de la très rare tenture « les Grands Dieux » exécutée en deux ou trois séries par l'atelier de Gilles Bacor à Paris au début du 18e siècle d'après un dessin de Jean Ier Bérain et des cartons de Guy-Louis Vernansal.

Gilles Bacor et son atelier parisien (1700-1714)

Appartenant à une dynastie de liciers originaires d'Audenarde, Gilles Bacor (mort en 1714) a d'abord travaillé à la manufacture des Gobelins aux côtés de ses trois frêres.
Son atelier privé créé vers 1700 était réputé pour la finesse de ses tapisseries égalant la qualité d'une manufacture royale.


Installé rue Mouffetard à l'enseigne du Grand Monarque et comptant jusqu'à dix métiers à tisser, il se spécialisa dans la production de chancelleries ainsi que dans deux suites, la série de Diane et la tenture des « Grands Dieux ».
Il fournit également une pièce des "Métamorphoses d'Ovide".
Gilles Bacor a travaillé avec ses deux neveux, Philippe et probablement Josse qui créa son propre atelier à Lunéville de 1718 à 1723 puis à Malgrange de 1723 à 1737 sous le patronage du duc de Lorraine.

La Tenture des "Grands dieux"

Encore très inspirées du style baroque de Charles Lebrun, l'idée générale de cette tenture dérive de la tenture des mois arabesque présente dans les collections royales au grand Trianon.

L'ornementation se rapproche des oeuvres de Bérain avec qui Bacor collabora étroitement.
Berain avait déja repris ce thème dans la tenture des grostesques tissée à la manufacture de Beauvais et livrée à la couronne vers 1696.

A l'arrière-plan, le dieu sur piédestal et sous dais se trouve placé dans un niche accosté des figures en terme et de médaillon allégoriques du dieu.
Le premier plan est occupé par des colonnes sur socle et des animaux inspirés de la Ménagerie de Louis XIV d'après Pieter Boel et reprend le modèle de la "Tenture des Mois ou des Maisons Royales", tissée à la Manufacture des Gobelins à partir de 1668.
Il comporte également une scène à petites personnages en rapport avec la divinité représentée.

Pour l'auteur des cartons ayant servi à la tenture, on trouve en 1704 mention d'un marché par lequel " Guy-Louis Vernansal, peintre ordinaire du roi, professeur en son Académie royale de peinture et sculpture, demeurant rue Froidmanteau, promet à M. de Platen, officier du roi de Danemark, demeurant à Copenhague, représenté par Jean Bérain, dessinateur ordinaire de la chambre du roi, de faire tous les dessins en peinture sur toile, pour fabriquer d'après eux, vingt pièces de tapisseries de basse lisse, la première de 2 aulnes et demie 6 pouces de haut et de 20 pouces et demi de large, composée d'architecture, figures et ornements, cette pièce servira pour les 19 autres pièces de tapisseries, sauf pour le sujet du milieu qui sera différent, ces peintures seront fournies à Gilles Bacor, maître tapissier aux Gobelins, au fur et à mesure des besoins, à partir du 1er janvier 1705, moyennant 1000 livres pour la pièce composée d'architecture, figures et ornements, et 150 livres pour les autres.".

Les sujets identifiés :

Amphitrite
Apollon
Bacchus
Cérés
Mars
Mercure
Minerve
Pluton
Vénus

Les exemplaires connus de la tenture :

Selon les historiens d'art, la tenture aurait été tissée 2 à 3 fois dans les ateliers parisiens de Gilles Bacor.
J'ignore si la tenture commandée par l'ambassadeur de Suède fut finalement livrée à la cour de Stockholm.
Le roi d'Espagne Philippe V offrit à Jean-Florent, Marquis de Vallières (1667-1759) huit tapisseries de cette série qui furent installée dans son hotel parisien puis partagée entre les héritiers et placées aux châteaux d'Alaincourt à Parnes dans l'Oise et de Vantoux près de Dijon.
Leur hauteur moyenne était de 350 cm.

Deux autres exemplaires de cette suite représentant Apollon et Mars se trouvaient dans la collection Le Roy à Paris.
Deux autres représentant Mercure et Pluton étaient dans les collections Laurent Richard en 1886.
Quatre autres étaient conservées dans la collection de la baronne Hirsch (vente en 1908).
Outre Apollon ici étudié, le Mobilier National possède deux autres pièces provenant de l'ancienne collection de Robert de Rothschild au château de Laversine acquises en 2003.

Illustration des pièces identfiées :

Au mobilier National (dépot à Matignon)


Sur le marché de l'art :


bibliographie : Autour de Gilles Bacor, tapissier des Gobelins, Michel Antoine, Bulletin de la société d'histoire de Paris et de l'ide de france, 1955.
La Tenture des Grands Dieux d'après Jean I Bérain, R.A. Weigert, Mélanges en l'honneur du professeur M.D. Ozinga Opus Musivum, 1964.