
© Inspection du bureau d’André-Charles Boulle avant restauration par la restauratrice Delphine Elie-Lefebvre (à gauche) et Fanny Pelvet, régisseure des œuvres (à droite)
© Louvre-
Lens, photo B. Cappelle
Restauration d’un bureau d’André-Charles Boulle au Louvre-LensDu 23 septembre au 16 octobre, l’atelier de restauration du Louvre-
Lens ouvre ses portes au public, à l’occasion de la restauration d’un précieux bureau du célèbre ébéniste André-Charles Boulle. Des visites de l’atelier, en présence des restaurateurs, sont proposées gratuitement. Explications de Delphine Elie-Lefebvre, restauratrice du patrimoine spécialiste du mobilier.
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Bureau d’André-Charles Boulle avant restauration
© Louvre-
Lens L’oeuvre :Il s’agit d’un bureau plat rectangulaire d’environ deux mètres de long. Il fut réalisé à Paris par André-Charles Boulle vers 1710 et a meublé tout au long du 19e siècle le bureau du directeur des Archives Nationales, avant d’être versé au Louvre en 1909.
Il présente un placage d'ébène et une marqueterie de laiton sur fond d'écaille de tortue, formant un décor d’arabesques fleuries. Il ouvre en façade par trois tiroirs, dont le central, en retrait, est incurvé. Il repose sur des pieds de biches cambrés et marquetés. Le plateau est recouvert de cuir brun.
L’ornementation de bronze doré est constituée au centre d'un mascaron d'homme barbu coiffé d'une couronne de feuilles de chêne, surmonté d'une coquille, et sur chaque côté d'une figure de jeune femme coiffée de pampres de vigne et d’une coquille. Les entrées de serrure ont un décor de figures féminines ailées et de tête de Gorgone. Les pieds de biches sont sommés de têtes de satyres barbus.
L’ébéniste André-Charles BoulleAndré-Charles Boulle est considéré comme l’ébéniste français le plus célèbre de tous les temps. Son nom est indissociable de la marqueterie de métal et d’écaille qui fit sa réputation. Son œuvre est aussi caractérisée par la virtuosité des bronzes dorés qui ornent ses bureaux, commodes, pendules et candélabres. Louis XIV lui accorda un atelier à l’intérieur du Louvre en 1672. Boulle réalisa de nombreuses commandes pour la famille royale, notamment à Versailles. Mais le raffinement et la perfection de ses meubles lui valurent également un immense succès dans toute l’Europe.
Les étapes de la restauration :Après un dépoussiérage minutieux par micro-aspiration, les bronzes et leur visserie seront déposés afin de pouvoir intervenir sur le meuble. La structure pourra être consolidée si nécessaire mais il s'agira essentiellement de refixer les soulèvements de la marqueterie par infiltration d'une colle chimiquement stable et parfaitement réversible.
Les lacunes dans l'ébène, le laiton et l'écaille seront comblées. Les éléments de laiton seront nettoyés par peeling. Le vernis sur l"ébène sera allégé avec précaution, puis l'ensemble du bureau sera protégé par l'application d'une cire microcristalline sur les parties en ébène et d'un vernis spécifique sur les parties marquetées. Les bronzes seront quant à eux décrassés à la vapeur, afin de mieux contrôler le niveau de nettoyage. Ils seront ensuite remontés.
La restauration se déroule dans le cadre des recherches conduites sur le mobilier Boulle depuis 2008 par le département des Objets d'art du musée du Louvre, en collaboration avec le Centre de recherche et de restauration des musées de France (C2RMF), en vue de la publication du catalogue de cette collection.
L'équipe :L'intervention a été confiée à Delphine Elie-Lefebvre et Carolina Hall, restauratrices du patrimoine spécialistes du mobilier, et Laura Caru, restauratrice du patrimoine spéciaisée dans les arts du métal.
Quelle est la particularité du bureau d’André-Charles Boulle qui va faire l’objet d’une restauration au Louvre-Lens ?Delphine Elie-Lefebvre : Ce bureau fait partie d’un corpus d’oeuvres d’André-Charles Boulle, qui appartiennent au département des Objets d’art du musée du Louvre à Paris. Cet ensemble est restauré dans le cadre d’une importante opération commencée depuis 2008 avec le Centre de Recherche et de Restauration des Musées de France (CR2MF). Il s’agit de restaurations menées selon de nombreux protocoles d’analyse et de recherche. Ce mobilier présente en effet des altérations particulières, comme par exemple le problème du collage entre le bois et le laiton, ou le fait qu’il comporte des matériaux multiples. Cette situation demande de prendre en compte des problématiques de restauration différentes. Il faut mettre en place des protocoles un peu différents de ceux utilisés, par exemple, pour restaurer un bureau qui serait uniquement en placage.
Sur quoi va porter la restauration du bureau ?D. E.-L. : La restauration porte surtout sur la marqueterie. Il y a une première phase d’observation de l’oeuvre et d’apport d’informations menée avec le conservateur. Des analyses vont être réalisées, notamment des analyses de dendrochronologie pour dater les planches du bureau. Cette technique permet de dater avec une grande précision les sites ou objets qui contiennent du bois.
Pour les restaurateurs, la part importante du travail est un problème de collage de la marqueterie qui se soulève. C’est un bureau en parties, avec un fond d’écaille de tortue et des dessins en laiton. Il faut prévoir une première étape de conservation, pour éviter toute dissociation et perte d’éléments. Nous allons donc recoller toute la marqueterie à l’aide de différentes techniques : collage par infiltration avec des seringues, collage ponctuel avec des serre-joints… Nous utilisons une colle composée spécialement pour coller du bois et du laiton entre eux.
Ensuite, nous avons la question de la restauration des bronzes dorés, effectuée par une de mes collègues, restauratrice dans les arts du métal. Puis, se posera le problème de l’oxydation des laitons et de la protection de ces laitons pour qu’ils ne se réoxydent pas. La restauration sera faite en concertation avec le conservateur qui viendra, plusieurs fois sur place, pour valider ou pas les propositions d’intervention que les restaurateurs lui feront.
Combien de temps va durer la restauration et quelles en sont les différentes étapes ?D. E.-L. : La restauration va durer un mois. Nous sommes trois restaurateurs à travailler en alternance : deux restaurateurs spécialisés en mobilier et un restaurateur spécialisé en arts du métal.
Dans les grandes lignes, les étapes sont : la dépose des bronzes (on retire les bronzes du meuble), le dépoussiérage, le nettoyage, le collage de la marqueterie, la désoxydation des laitons, la pose d’une protection de surface sur les laitons. Pour chaque étape, nous allons nous demander si elle a un intérêt ou pas. Par exemple, la dépose des bronzes n’était pas une étape obligatoire. Nous aurions pu les nettoyer sur place. Sauf que, pour effectuer le recollage de la marqueterie, il fallait que les bronzes soient déposés. Les étapes de la restauration sont interdépendantes les unes des autres et elles peuvent aussi varier en fonction de ce qu’on découvre et de ce que le conservateur veut savoir ou voir.
Des visites pour découvrir cette restauration sont proposées au public. Comment se déroulent-elles ?D. E.-L. : Les visites ont lieu tous les mercredis, jeudis et vendredis, à raison d’une visite le matin et une visite l’après-midi. Elles permettent au public d’approcher d’un peu plus près la restauration d’un objet prestigieux, comme celui du mobilier de l’ébéniste André-Charles Boulle, et de pouvoir poser des questions sur les différentes étapes.
La visite commence par une présentation par un conférencier hors de l’atelier. Elle se poursuit dans l’atelier même, où les restaurateurs présentent l’avancée du travail, en fonction des étapes où en est la restauration. Les visiteurs peuvent ensuite poser des questions.
C’est aussi l’occasion de présenter votre métier. Quelles sont les différentes missions du restaurateur ?D. E.-L. : Etre restaurateur du patrimoine, c’est d’abord conserver les œuvres et donc savoir les observer. Pour cela, nous travaillons avec des conservateurs. Le conservateur apporte des informations sur l’histoire de l’oeuvre et le restaurateur, des informations techniques. Pour conserver l’oeuvre, le restaurateur propose des solutions ou peut conseiller le conservateur, en donnant par exemple des indications de conservation par rapport au climat.
En ce qui concerne, l’acte de restauration lui-même, qu’il porte sur un problème de surface, de structure, de marquetterie, de vernis …, il faut que toutes nos interventions soient lisibles, notifiées dans un rapport de restauration, et qu’elles soient totalement réversibles. Nous ne sommes pas des artisans, nous ne créons rien. Quand nous avons besoin d’informations supplémentaires sur l’oeuvre, nous pouvons demander des analyses ou faire des observations au microscope, ou encore effectuer des tests.
Quelles qualités demande ce métier selon vous ?D. E.-L. : C’est un métier très intéressant parce qu’il demande d’avoir des connaissances dans trois grands domaines : premièrement en histoire de l’art, deuxièmement dans la pratique de la spécialité du restaurateur - dans mon cas, la spécialité en mobilier demande une pratique de l’ébénisterie et de la menuiserie - et troisièmement dans les sciences. Le métier de restaurateur suit un protocole scientifique. On émet des hypothèses, on pose des questions, on vérifie et ensuite on peut passer à l’acte. On a une démarche très scientifique. Pour ma part, j’étais biologiste et me suis reconvertie dans le métier de restaurateur en mobilier en suivant une formation à l’Institut national du Patrimoine (INP). Et je trouve que le métier de restaurateur n’est pas si éloigné que cela du métier de scientifique !

Détail d’un ornement de bronze du bureau restauré à
Lens© Louvre-
Lens Informations pratiques :Des visites de l'atelier de restauration, accompagnées d'un médiateur du musée et en présence des restauratrices, sont proposés du 23 septembre au 16 octobre, tous les mercredis, jeudis et vendredis, à 11h15 et 16h15.
Tarif : gratuit pour tous
Durée : 45 minutes
Nombre maximum de personnes par visite : 17
Réservations sur place (tous les jours sauf le mardi) ou par téléphone au 03 21 18 62 62
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