Petit compte rendu de la 4è session de ce passionnant colloque dont Grande Mademoiselle a posté le programme plus haut. Non exhaustif, hélas, il y avait tant de connaissances et de documents.
- Sur le sujet brillamment exposé par Yann Lignereux (Professeur des universités, historie moderne Directeur de l'UFR Histoire, Histoire de l'Art, Archéologie à Nantes) :
« Les Roys ne sont jamais enfans. Louis XIV le petit ou l’apprentissage de la représentation absolutiste. »
Une riche iconographie a été montrée -dessins, peintures, estampes, gravures, almanach, médailles...- fruit d'un travail de recherche avancé pour illustrer la construction figurative du personnage du roi dès son enfance.
L'intervenant a mis en avant (entre autre) le rôle d'Anne d'Autriche. En prise avec les grands seigneurs de l'époque, la Régente a dès le début assis le pouvoir politique de son de fils-roi.
Ainsi sur cette estampe de 1643, on y voit la Régente partager le sceptre avec Louis XIV alors âgé de 5 ans, avec en fond de tableau la bataille de Rocroy gagnée par le duc d'Enghien (futur frondeur). La victoire est celle du roi et est montrée telle.
Anne d'Autriche avait fait aussi l'éducation religieuse de son fils (Louis-Dieudonné, à la naissance duquel elle fit élever le Val-de-Grâce pour remercier Dieu).
Sur ce tableau de Philippe de Champagne, elle présente son fils à la Vierge qui lui légitime sa couronne.
Très tôt le roi a compris qu'il devait se positionner en conquérant et se montrer non pas dans la lignée dynastique mais en roi tout puissant et sans crainte.
Louis XIV en Jupiter, Charles Pierson, 1655. Ni trône, ni attributs royaux ne sont représentés, juste le jeune roi en maitre tout puissant avec la foudre dans la main.
Une autre gravure très intéressante montrait le roi entouré à gauche de ses ancêtres royaux et à droite d'empereurs romains, une centralité aristotélicienne comme l'a définie l'intervenant. Je ne retrouve pas ce visuel, dommage.
Il y avait aussi la représentation des hauts faits militaires sur les médailles. Quand il ne s'agissait pas d'une victoire sur place du Roi lui-même, il n'était pas question d'y faire figurer le maréchal ou autre vainqueur (sauf Monsieur, frère du roi qui fut représenté une seule fois après sa victoire à la bataille de la Peene en 1677).
Dans ce cas, et surtout à partir de 1693, sur la médaille était représentée la France sous forme d'allégorie fleurdelisée recevant les honneurs soit d'un guerrier inconnu, soit à ses pieds l'assujettissement des vaincus.
- Concernant le sujet « L’Univers retentit du bruit de votre gloire » : une musique à l’image de Louis XIV, Jean DURON, directeur de la recherche au Centre de Musique Baroque de Versailles, a bien évidemment fort bien maîtrisé la question.
Il a rappelé tout d'abord la définition de ce qu'était la musique à l'époque à savoir selon la définition de J.J. Rousseau dans l'Encyclopédie, peindre les choses qu'on ne saurait entendre en leur donnant du son par le mouvement.
Ainsi était introduite la question de savoir comment transparaissait l'image du Roi à travers des compositions de Lully, Couperin, Charpentier, de Lalande pour ne citer qu'eux.
Comme il l'a signalé, beaucoup de choses sont difficiles à certifier car la lecture était très codifiée. Quelques oeuvres ont été mentionnées dont celle par exemple de Jacques-Martin Hotteterre, flûtiste très apprécié de la Chambre du Roi. Ou bien celle aussi dite l'Auguste du claveciniste Couperin dans laquelle on retrouverait des peintures musicales tout à la faveur du monarque.
Lully n'ayant pu accédé à une fonction de musicien à la chapelle royale en raison de ses moeurs, M. Duron s'est attardé sur Michel-Richard De Lalande que le roi appréciait tout particulièrement. Il appuya en 1683, à l'issue d'un concours, son accession au quartier d'octobre, vraisemblablement en raison de deux des quatre principales fêtes de la Chapelle, la Toussaint et Noël. Il finit par être nommé sous-maître à la Chapelle Royale du château de Versailles après son titre de Surintendant de la Musique de la Chambre.
Beaucoup d'anecdotes ont été relatées durant la présentation de Jean Duron. Le roi qui était bon musicien et qui chantait à la messe et ailleurs prenait un soin personnel à recruter lui même chanteurs et violonistes qu'il recevait en audience, et ne méprisait jamais les disqualifiés. Le roi était très abordable à la messe, par les musiciens qui s'émancipaient de tout protocole pour parler mariage ou autres, ce qui parait-il amusait beaucoup Louis XIV.
En 1680, cinq castrats tout droit venus d'Italie furent introduits parmi les chanteurs par Laurenzi. La castration était interdite dans le royaume, on appelait ces hommes des Incommodés.
Un faux castré (un haute-contre en fait) avait déjà rejoint les choeurs dès 1652 poussé par son père qui aurait tout fait pour la carrière de son fils... je ne sais plus son nom...
Concernant le roi danseur, Jean Duron ainsi que l'historien Philippe Hourcade, saint-simonien devant l'éternel s'il en est, étaient assez courroucés de la postérité qu'on a donnée au "portrait" de Louis XIV danseur en Apollon.
Ces dessins très minutieux (aquarelle, mine de plomb, lavis, rehaussé d’or) étaient destinés en fait aux couturiers pour la confection de l'habit du roi. Des annotations relatives aux patrons et le métrage étaient en marge de la figure , ces dessins n'ont jamais été diffusés à l'époque, ils n'étaient pas du tout destinés à l'être. Ce sont des collectionneurs qui leur ont donnés la notoriété qu'on leur connait.
Le costume était composé d'une sorte de jupe, parce que la chorégraphie demandait des "hauts-sauts"
A la fin du colloque (qui regroupait une vingtaine de personnes en tout, très composite en âges et en ethnies), qq questions ont été abordées. Parmi elles, j'ai relancé celle de savoir si La Bruyère disait la vérité sur les courtisans qui auraient tourné le dos à l'autel pour fixer le roi... (On a déjà échangé sur le forum dans le sujet "Etiquette à La Chapelle royale", donc pas de débat relancé ici). Je voulais juste connaître d'autres avis d'experts... et bien je suis au regret de vous dire qu'il n'y a pas de réponse tranchée :-) d'abord parce que la chapelle royale date de 1710 et qu'on ne connait que peu la disposition de celle contemporaine de l'écrivain qui a écrit "Caractères" en 1688, puis parce que le roi était très impliqué dans le choix des musiciens et des chanteurs et qu'il était lui même en admiration devant eux et qu'ils n'auraient pas supporté qu'on le dévisageât (même si beaucoup ne devaient pas se priver d'un regard pour être vu du roi) et enfin en ce qui concerne la chapelle de 1710, la tribune est trop haute et le roi agenouillé sur son carré ne pouvait être vu d'en bas.