Sèvres, exposition : La Manufacture des Lumières (2015-2016)

Ces petits vases en biscuit de porcelaine, accompagnant le surtout d’un service de dessert, servaient à décorer les tables.
Ils apparaissent déjà au début des années 1750 produits d'abord à Vincennes puis à Sèvres.
Par exemple, dans le service de table bleu-céleste de Louis XV fabriqué à Vincennes, il y avait 72 petits vases pour le "surtout", tandis que dans le service acheté par Catherine II de Russie en 1779, il y en avait 28.
Bien qu'ils aient été produits en grande abondance jusqu'à la fin du XVIIIe siècle, très peu d'exemples ont survécu.
De par sa forme, cette paire de vase est datable des années 1761-1762, elle se rapproche de la forme dite "pot-pourri feuille de myrte" produite en 3 grandeurs dérivant elle-mème de la forme dite "vase Hébert" connue depuis 1754.


autres exemples de vases de table en biscuit de Sèvres avec leurs piédestaux dont un à guirlandes proche de notre modèle


La comtesse du Barry achète en 1771 neuf vases à guirlandes en biscuit à 48 et 30 livres, 8 vases à oreilles en biscuit, 4 vases à tete de boucs à 54 livres et des piédestaux.
Le roi Louis XV achète également l’année suivante 4 vases à tete de boucs, 4 vases à guirlandes rectifiés, 4 vases à oreilles et des piédestaux à écharpes, le tout en biscuit, correspondant à ces modèles.

De tels vases étaient exposés avec le service de Catherine II à l'exposition consacrée aux tables royales en Europe

La copie, rançon du succès :


La « Manufacture Royale de terre blanche purifiée » fut fondée, par privilège royal, à Orléans, par Etienne Dessaux de Romilly en mars 1753.
En février 1757, elle est reprise par Claude Charles Gérault d'Areaubert et son privilège est prorogé en mai 1771 pour 15 ans.
Sa production s'arrêtera à la mort de son propriétaire en septembre 1784.

le modèle original :

Cette paire de biscuits sont des tirages modernes réalisés d'après un modèle de Etienne Falconet créé pour la manufacture royale de Sèvres vers 1757 et produit dès 1758.
L'allégorie de la chasse se composent de 2 nymphes et 3 putti et d'un tableau de chasse fait de lièvres, perdrix, oiseaux et armes.
L'allégorie de la pêche se composent de putti jouant et de 2 nymphes assises dont l'une tient un filet chargé de poisson.

Outre des versions en plâtre, une paire de sculpture en pierre attribuée à Falconet, datée vers 1780 et haute de 150 cm, présumée provenir du palais russe de Tsarkoê Selo, est passée en vente.

Certains historiens d'art suppose une utilisation comme pièce de surtout de table royale pour Louis XV avec le groupe de Léda et le cygne (1764) comme élément central.

un élément du surtout de Bacchus dont un exemplaire fit partie du surtout royal à Versailles :

L'original en marbre daté de 1761 est conservé au Musée du Louvre ; il est produit à Sèvres à partir de 1763.
Cette œuvre décrit le moment où le sculpteur Pygmalion tombe amoureux de la statue qu'il vient d'achever.
Celle-ci s'anime devant lui grâce à l'intervention de l'Amour envoyé par Vénus.


Historique :
Exposé au Salon de 1763, n° 165
Collection François Thiroux d'Épersenne (mort en 1767) puis sa famille et leur descendance,
Collection comtesse d'Yvon, 1883.
Collection Guyon.
Legs de Casimir-Jean-Félix Guyon (1831-1920).

En situation sur une table, l'impression en est différente, les deux groupes latéraux du surtout de Bacchus. Pièces latérales au triomphe de Bacchus dont Versailles conserve un exemplaire de la pièce centrale. Les deux bacchants jouant de la flûte de Pan, font danser des nymphes,  l'une jouant des cymbales,  l'autre d'un tambourin.  Entre elles une nymphe apprend à un enfant à jouer de la flûte.
Les deux pièces latérales du surtout du Triomphe de Bacchus. Je sais qu'il y a discussion mais les fiches du château les attribue au dessin de Taraval. Ménade jouant du tambourin l'autre des cymbales sur la musique de la flûte de pan des Bacchants.

Un autre modèle s'inspirant d'un dessin ou une peinture de François Boucher pour la figure féminine en particulier (œuvre à identifier) :


Le musée de Sèvres conserve encore le modèle en terre cuite du sculpteur, l'eouvre est datée 1763 :

Le château de Versailles en conserve un exemplaire avec pour pendant une allégorie de la Mélancolie.

Le Riche, élève de Falconet et modeleur à Sèvres depuis 1757, devint en 1780, sous la direction de Boizot, chef des sculpteurs de la Manufacture royale de Sèvres.
Il modela d'abord une allégorie de la Mélancolie tenant un colombe dès 1772 à partir d'une œuvre de Falconet dont le plâtre avait été présenté au Salon de 1761, puis le marbre à ceux de 1763 et 1765.
La Méditation tenant un livre fut modelée par Boizot en 1775 pour servir de pendant à la précédente.
Chacune était disponible en deux grandeurs, 35 ou 80 cm.
Les musées du Louvre et de Sèvres se partagent une Mélancolie et une Méditation en première grandeur.
Sèvres possède également une Méditation en 2ème grandeur.
Les deux figures étaient présentées dans les appartements de Versailles, en 2ème grandeur (35 cm).
Si Madame Elisabeth n'acheta qu'une Mélancolie en décembre 1775, Madame Victoire acheta les deux pendants en septembre 1777 et Madame Adélaïde deux autres en avril 1784.

Nous connaissons la marchande de crème de Suzanne (1755) ici un retirage. Pour l'accompagner un jeune homme qui ressemble au batelier de Saint-Cloud, mais présente quelques minimes différence, dont l'absence au dos. Pas de marque, il pourrait être ancien, lettre du repareur en dessous  P. Ce n'est pas mon habitude de solliciter vos avis mais je ne le trouve pas dans les ouvrages bien connus concernant Sèvres et plus largement les biscuits de cette manufacture.

Voir le catalogue de l'exposition Falconet à Sèvres 1757-1766, musée de Sèvres, novembre 2001-Février 2002,
sous la direction de Tamara Préaud, n° 82 et 83 a, pp. 150-151.

Le modèle a été créé par Boizot en 1778.

Une version en biscuit (tirage du 19e siècle)

un modèle à identifier :


Base ovale en bois doré sculpté de feuilles d'acanthe - H : 5,5 L : 33 cm.

Modèle créé par Boizot en 1786 d'après la sculpture de Gaspard Marsy (1624-1681) réalisée pour Versailles (actuellement au Louvre).
Un groupe du même modèle daté 1814 est conservé dans les collections royales anglaises et reproduit par Sir Geoffrey de Bellaigue,
French Porcelain in the Collection of Her Majesty the Queen, 2009 ; vol. III, n° 323, p. 1107-1108.

Cadre en bois doré du XVIIIe siècle portant une marque au feu plus tardive
avec trois fleurs de Lys et une autre EC pour Ecuries Royales.

Ce modèle créé en 1785 sous la direction de Louis-Simon Boizot reprend la composition d'une peinture de la villa Arianna, découverte en 1759 lors des fouilles archéologiques de l'ancienne ville de Stabies (Stabiae), conservée au musée archéologique national de Naples.
Boizot en a probablement eu connaissance par le comte de Caylus.


Plusieurs bas-reliefs en biscuit sont vendus par la manufacture de Sèvres sans autre description que Tableau Bas-relief camée.
Toutefois, en décembre 1788, le comte Louis de Narbonne achète un bas-relief la Marchande d'Amours au prix de 144 livres (Arch. Sèvres, Vy 10 f° 304).

le catalogue de l'exposition sous la direction de Tamara Préaud et Guilhem Scherf, La manufacture des Lumières, la sculpture à Sèvres de Louis XV à la Révolution, 2015, n° 105, p. 156.

Les bases marquées : LL entrelacés et couronnés, lettre-date FF pour 1783 sur l'un et HH pour 1785 sur l'autre, marque du doreur Girard.
XVIIIe siècle, 1783-1785. H. 18,5 cm et 18 cm, L. 18 cm.

Voir le catalogue de l'exposition sous la direction de Tamara Préaud et Guilhem Scherf, La manufacture des Lumières, la sculpture à Sèvres de Louis XV à la Révolution, 2015, p.314.

Figure en biscuit de porcelaine dure représentant l'Amitié, une jeune femme drapée, la poitrine dénudée, appuyée contre un tronc d'arbre sur une base circulaire, elle est coiffée d'une couronne de laurier retenue par un ruban portant l'inscription en creux HIESE AETAS.

La collection des profils de Brachard à Sèvres est presque complète, comparée à celle d'Haroué

de gauche à droite Marie-Antoinette, Louis XVI, le duc de Berry, le duc de Bordeaux, Mlle d'Artois, la duchesse de Berry, Charles X et Louis XVIII.
Au dessous, MMe Elisabeth et le duc d'Angoulème.
Ne manque que la duchesse d'Angoulème et le dauphin de cette série datant de la Restauration.

Aux côtés des sujets aimables, la manufacture initia également la réalisation de portraits de contemporains, un genre qui s'amplifiera au 19 siècle.


le musée de Versailles conserve un retirage de la manufacture de Sèvres de 1885.

Biscuit figurant un jeune homme debout avec un porcelet posé sur un tronc d'arbre.
de la série des "Nouveaux enfants Boucher" réalisée sous la direction de Falconet vers 1760-1768.

Pierre Blondeau (avant 1747-avant 1793)
Sculpteur, adjoint-recteur et professeur de l'académie royale de Saint-Luc, reçu le 5 mai 1747, demeurant à Paris rue basse-Porte Saint-Denis, paroisse Saint-Laurent.
Il réalisa des sculptures en marbre, plomb, pierre, bois et terre cuite.
Actif à la Manufacture de Vincennes dès 1747, il fait partie des sculpteurs-modeleurs de la manufacture qui ont traduit les gravures de François Boucher et les dessins de Jean-Baptiste Oudry en biscuit.
En 1748, il prenait en apprentissage pour 5 ans Jean-Christophe Boivin, âgé de 14 ans.
En 1750, c'est Charles-Pierre Wacheux, âgé de 16 ans, qui devenait son apprenti pour 5 ans.
Il est payé en 1753 pour huit modèles d'enfants d'après Boucher.
Il réalisa les modèles pour le surtout des chasses de Oudry.
Il modela également des figures d'animaux pour Michel-Ange Slodtz.

Petit buste de Henri IV en armure par Alexandre Brachard, sur socle bleu de four.


Occasion de rappeler que la Manufacture put continuer ses activités à la Révolution sous la condition de détruire tous les moules des figures de la famille royale.

Alexandre Brachard créa de nombreux profils de la famille royale

Sa statue d'Henri IV lauré s'inspire de la statue cavalière du Pont neuf de François-Frédéric Lemot

Il est vrai que ces créations du 19e siècle marqués par l'historicisme sont bien loin des grâces aimables du 18e siècle.
d'ailleurs, le gout des surtouts en porcelaine n'est plus aussi présent à l'époque.

Oui c'est bien vrai, le surtout de Christofle de Napoléon III conservé aux art décoratifs, montre le goût (ou la nécessité) de mettre en avant les industries.
Toutefois le goût du XVIII se perpétuait puisque Louis-Philippe offrira pour son mariage le surtout des chasses pour Chantilly et Eugénie en fera tirer un autre pour Compiègne.
Il y a une figure de ce surtout à Fontainebleau au milieu du service carmin dont Vincent Cochet m'a dit qu'elle était XVIII, je ne parviens à trouver plus de renseignements sur cette pièce.

En 1779, lors des ventes annuelles de Versailles, Louis XVI achetait pour 36 livres une Vénus désarmée, avec son pendant par Boizot L'Amour désarmé au même prix.